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💭 La réflexion du mercredi  - Crypto-natives et crypto-fiat : complémentaires 🤝 ou compétitives ⚔️ ?
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💭 La réflexion du mercredi  - Crypto-natives et crypto-fiat : complémentaires 🤝 ou compétitives ⚔️ ?

Nic Carter, à propos de la croissance des stablecoins sur Ethereum et ce que cela signifie pour la valeur de l'ETH

Jon Otherbright
Oct 14, 2020
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Chers Bankless 👋 ,

Il existe actuellement plus de 20 milliards de dollars en stablecoins 🚀 !

La question est de savoir s'ils sont en symbiose mutualiste 🤝 ou compétitive ⚔️ avec leurs réseaux hôtes.

Nic se plonge dans les données 📊, il examine différents arguments et explore tout cela en profondeur dans l’article que nous vous proposons d'aujourd'hui.

Nous apprécions beaucoup la façon dont Nic présente cette symbiose, il parle de souveraineté monétaire à propos d’Ethereum, c’est vraiment l'une de nos façons préférées de décrire ce système, en plus, il apporte ici à cette comparaison une profondeur assez phénoménale.

Voici ce que nous avons réalisé après la lecture 🤯 :

Et si les stablecoins devenaient dix fois plus importants - en terme de capitalisation - que les crypto-actifs natifs ?

Quel est le rôle de la bande passante économique trust-less ?

Tous ces arguments s'appliquent-ils à Bitcoin ?

Bref, on arrête de se poser des questions, bonne lecture et à très bientôt 🙂 !

Let’s be Bankless 🏴 ,

- Jon &Brice


Visuel issu d’une collaboration entre Arke et BanklessFR, inspiré de l’article qui suit. Un NFT contenant ce visuel et cet article a été émis à 40 exemplaires, au prix de 0,15 ETH par exemplaire. Nous, Arke et BanklessFR, partageons les bénéfices de cette vente à parts égales. Rendez-vous sur Rarible pour en savoir plus.


💭 LA RÉFLEXION DU MERCREDI

Crypto-natives et crypto-fiat : complémentaires 🤝 ou compétitives ⚔️ ?

Durée de lecture : 19 min || Difficulté : difficile

Auteur : Nic Carter, associé chez Castle Island Ventures

La crypto-fiat a explosé ces derniers mois. J'entends par là les représentations de passifs bancaires, ou de systèmes de dette, qui circulent sur les blockchains publiques sous la forme de reconnaissances de dette tokénisée. Ou, comme la plupart des gens les connaissent, les stablecoins. Ils sont assez populaires de nos jours :

Source : Coin Metrics - Le remarquable approvisionnement des stablecoins

De manière générale, ces tokens visent l’aspect rendement des monnaies comme le dollar américain, émises par des États souverains. Ils y parviennent de diverses manières. La plus simple consiste à traiter le token comme un instrument au porteur qui donne à son détenteur le droit de réclamer un montant équivalent de dollars électroniques détenus par l'émetteur. La volonté de l'émetteur d'augmenter et de diminuer l'offre en réponse aux forces du marché, en conjonction avec un ensemble d'arbitragistes volontaires, garantit que le token se négocie généralement à sa valeur nominale (1 pour 1).

La deuxième approche consiste à utiliser des garanties plus volatiles, par exemple les crypto-actifs natifs des blockchains publiques, pour créer des crypto-fiat. Cette méthode est plus complexe et moins efficace, dans la mesure où il faut davantage de garanties pour créer une unité de crypto-fiat, puisqu'elle fluctue par rapport au taux de change ciblé. En pratique, la parité est maintenue grâce à la combinaison du surdimensionnement de sa garantie (surcollatéralisation), de la gestion algorithmique à la fois des risques et à la fois des taux d'intérêt. La nature “non bancaire” ou “crypto” du collatéral est un argument de vente évident. Enfin, vous avez un modèle dans lequel un groupe de fournisseurs de capitaux joue le rôle de l’office de stabilisation des changes et est chargé de mobiliser des fonds, pour défendre le taux de change fixé, en période de crise (et est récompensé par un seigneuriage en période de croissance). (NDT - c'est le modèle du DAI)

La mécanique précise des systèmes des crypto-fiat n'a pas d'importance particulière dans le cadre de cet article. Supposons qu'ils fonctionnent raisonnablement bien et qu’ils continueront à fonctionner à l'avenir. La blockchain publique sur laquelle ils circulent n'a pas vraiment d'importance non plus - ces questions s'appliquent à toute blockchain publique standard où une unité native (BTC, ETH, etc.) coexiste avec des tokens libellés en dollars.

Récemment, alors que les tokens crypto-fiat en sont venus à représenter une plus grande partie du débit économique sur les blockchains populaires, des questions sont apparues quant à leur impact potentiel sur les systèmes sous-jacents. Certains analystes les qualifient de "parasitaires", par rapport aux systèmes sur lesquels ils circulent. La question est la suivante : si, pour ceux qui font des transactions, la crypto-fiat s'avère plus attrayante que l'unité native plus volatile, cela compromet-il entièrement la sécurité du système ? Et qu'est-ce que cela signifie pour la crypto-native ?

Pour répondre à cette question, examinons brièvement les modalité d'usage de la crypto-fiat. Quelle est leur taille ? Et remplacent-elles vraiment les crypto-monnaies natives ?

La dynamique des transactions de stablecoins

Je limiterai ici l'analyse à Ethereum, car c'est là que se trouvent environ 75 % des dollars tokenizés en circulation. Commençons par jeter un oeil aux différentes capitalisations.

Source : Coin Metrics - Capitalisation du marché, actifs basés sur Ethereum

Aujourd'hui, les crypto-fiat sur Ethereum représentent un peu plus de 7 milliards de dollars, alors que la capitalisation d’ETH est d'environ 24 milliards de dollars. Un échantillon non exhaustif des plus gros tokens (non stablecoins) sur Ethereum s'élève à environ 10 milliards de dollars. Ethereum a donc toujours un ratio "super poids lourd" (valeur des jetons non natifs / valeur des tokens natifs) inférieur à 1 (NDT : ça n’est plus vrai aujourd’hui, les tokens ERC-20 ont dépassé l’ETH en matière de capitalisation). Il est parfois affirmé que si les tokens non natifs dépassent la valeur du token natif alors ils mettraient la blockchain en danger de façon critique ; je ne vois aucune raison de croire que ce serait le cas. Cependant, si les tokens non natifs dépassent l'unité native d'un facteur de 5, par exemple, cela pourrait être préoccupant. Je m’attends à ce que que l’aspect super poids lourd soit une caractéristique à long terme de pratiquement toutes les blockchains supportant des tokens. (NDT : C’est encore relativement vrai, 49G $ pour tous les tokens ERC-20s aujourd’hui vs 42G $ pour l’ETH)

Qu'en est-il des flux financiers ? Le débit économique réel permis par ces systèmes est sans doute plus important. Les stablecoins représentent encore une part relativement faible (mais croissante) des transactions on-chain. Les transactions qui donnent lieu à des transferts d'ETH sont encore plus nombreuse, alors que pour les autres tokens elles ont été marginalisées.

Source : Coin Metrics - Nombre de transactions Ethereum par type

Le plus important reste sans doute la valeur réelle des transactions on-chain. Vous pouvez voir que, bien qu’elles représentent moins de transactions, les crypto-fiat en sont venues à dominer le débit en terme de transaction en dollars sur Ethereum. Les autres tokens ERC-20 sont pratiquement insignifiants à ce niveau. Notez que ces données sont très imprécises, et que je compte sur les ajustements effectués par l'équipe de Coin Metrics pour filtrer toutes les transactions issues de comportements qui pourraient fausser les résultats.

Source : Coin Metrics - Valeur transactionnelle ajustée par type

Si vous le représentez en termes de parts de marché, vous pouvez voir l’USDT grignoter du terrain à l’ETH. Même en laissant l’USDT de côté, d'autres stablecoins comme l'USDC, le BUSD et le DAI représentent une valeur transactionnelle considérable.

Source : Coin Metrics - Part relative de la valeur transactionnelle - Actif basés sur Ethereum

Les gros pics que vous voyez au niveau de "Other ERC20s" sont principalement liés aux tokensales (NDT : vente de tokens). Le premier, très grand, est la tokensale d'Augur et la grande chute - mi 2018 - est le moment où EOS est passé sur son mainnet (NDT : réseau principal). Les autres pics comprennent les activités liées à ZRX, Enigma, BNB, LEO et Chainlink. Cependant, à mesure que les tokensales ont perdu de leur popularité et que le nombre de tokens qui n'utilisaient qu'Ethereum comme point de départ pour ensuite lancer leur propre mainnet, sont passés à l'étape suivante, l'influence relative des ERC20 a diminué et la crypto-fiat est passée au premier plan.

En combinant ces graphiques, vous pouvez déduire que les stablecoins correspondent à une grande part de la valeur transactionnelle totale, avec une base monétaire relativement petite. Le calcul simpliste de la vélocité (une mesure du nombre de fois qu'une unité donnée change de main dans une année) confirme cette conclusion.

Source : Coin Metrics - Vélocité (par rapport aux 12 derniers mois et au nombre d’unités actuel, ajusté à la valeur transactionnelle)

Les stablecoins présentent des vélocités très élevées par rapport aux crypto-natives : ils sont bien plus utilisés que les crypto génériques pour faire des transactions (le BTC a une vélocité tout aussi faible et même à un seul chiffre). Cela n'est pas vraiment surprenant. Nous savons que les stablecoins ont effectivement pris le dessus dans le cas d'usage des échanges entre crypto-banques (marché crypto centralisé/CEX) et sont maintenant utilisés dans de nombreuses régions du monde comme des substituts non bancaires du dollar.

Enfin, il est important de noter que les transactions avec des stablecoins sont très différentes des transactions avec des ETH. Ces dernières ont tendance à être beaucoup plus petites, de l'ordre de quelques dizaines de dollars, alors que votre transaction typique en stablecoins transfère des milliers de dollars de valeur.

Source : Coin Metrics - Valeur médiane d’une transaction, moyenne glissante de 50j (valeurs aberrantes supprimées)

Le noyau dur d'utilisateurs de stablecoins est encore relativement petit. À ce jour, seules environ 1,3 million d'adresses parmi les différents stablescoins d'Ethereum détiennent plus d'un dollar sur leurs wallets ; le chiffre équivalent pour l’ETH est de 12 millions. Nous avons donc un nombre d'utilisateurs plus petit, mais des utilisateurs extrêmement engagés, actifs, faisant des transactions régulièrement, qui utilisent des stablecoins pour des transactions importantes et fréquentes, sur une base monétaire plus petite. Il convient de souligner une fois de plus que nous ne pouvons pas savoir avec certitude si ces transactions remplacent des transactions en ETH ou si elles ne font que s’ajouter aux autres ; mais par contre elles sont toutes en concurrence pour le même blockspace et, toutes choses étant égales par ailleurs, la transaction la plus importante devrait être prête à supporter des frais plus élevés.

Étant donné que les stablecoins ont atteint une telle popularité, en une période relativement courte, il n'est pas trop exagéré d'imaginer un monde où la grande majorité des transactions sur Ethereum sont libellées en dollars. Le risque de change pendant la durée de la transaction (ou du contrat) semble être si peu supportable qu'il oblige les négociants à utiliser des actifs non natifs. Je ne sais pas si les magiciens d'Ethereum ont envisagé cette possibilité, mais maintenant qu'elle semble concevable, il est intéressant d'en considérer les implications.

Le développement de la crypto-fiat aide-t-il ou nuit-il au système Ethereum ?

La dollarisation de l’ETH

Une simple boucle de rétroaction fait fonctionner les systèmes crypto-économiques. Les utilisateurs trouvent attractif un certain type de blockspace, ils se munissent donc de l'unité native de la blockchain concernée pour effectuer des transactions. Ils paient également des frais avec ces unités natives. Cette demande de détention (conserver une unité native pendant une période de temps non nulle) est une source de pression acheteuse. L'appréciation de l'unité native se répercute à son tour sur la sécurité (et, éventuellement, certains pools de capitaux comme les fonds pour les développeurs), car la sécurité est généralement fonction de l'émission et du prix de l'unité en question. À mesure que la sécurité et donc les garanties de paiement augmentent, le blockspace devient plus attrayant. Dans un monde avec la preuve d’enjeu, cela est simplifié : la sécurité est présumée être une fonction de la capitalisation totale. Si vous pouvez inciter les opérateurs à acheter, détenir et utiliser l'unité native pour des contrats à long terme ou des garanties de paiement, cette demande devrait se manifester dans le prix, ce qui rend le système plus sûr.

Les stablecoins détruisent quelque peu ces concepts. Non seulement ils remplacent potentiellement la demande de l'unité native comme moyen de règlement, mais ils obligent aussi les opérateurs à jongler avec plusieurs devises, l'une pour les paiements réels, l'autre pour le paiement des frais. Imaginez que vous faites un virement bancaire et qu'on vous demande d'honorer les frais de virement de 10 dollars sous la forme d'actions de votre banque. Vous préférerez probablement payer les frais en dollars. (Je me dois de noter que des propositions existent pour liquider les tokens contre de l'ETH, en arrière-plan, afin que les utilisateurs puissent effectuer des transactions sans avoir à posséder de l'ETH).

Il y a cependant des exceptions. Le DAI est garanti par l'ETH en arrière-plan, donc même lorsqu'il est utilisé comme unité de base pour une transaction, il témoigne toujours d’une détention d'ETH. Le DAI a cependant légèrement compromis cette vision de garantie trust-less en introduisant, dans le mix de garanties, l'USDC, le BAT et le WBTC. Pour l'instant, le moyen d’échange le plus important (mesuré en dollars) sur Ethereum est l’USDT, qui est garanti par des dollars dans un réseau de banques offshore. Si l'approche du DAI est bien plus élégante en termes de maintien de la boucle de rétroaction “demande pour effectuer des transactions ➡️ demande pour la détention d’ETH ➡️ sécurité ➡️ demande pour effectuer des transactions”, le DAI ne représente qu'une fraction relativement faible du marché des stablecoins. Même certains cas d'utilisation de la DeFi qui étaient au départ du ressort exclusif du DAI ont commencé à être traités par l'USDC, plus banal et soutenu par le dollar. Les stablecoins soutenus par le dollar sont tout simplement moins chers à émettre. Alors que les stablecoins garantis par de l'ETH promettent une vision harmonieuse des unités de compte stables tout en conservant l'unité native comme garantie, il semble que les stablecoins génériques garantis par des fiats ont le dessus pour le moment.

Les protocoles ont leur propre monnaie souveraine

Je trouve utile de réfléchir au problème dans le contexte des États-nations qui gèrent leur propre monnaie. Ils sont confrontés à des problèmes très similaires : comment faire respecter un monopole local pour leur monnaie souveraine et s'assurer qu'elle conserve sa valeur. Parfois, ces États échouent dans cette tâche et subissent une substitution de monnaie de la part de leurs citoyens ; c'est ce qu'on appelle la dollarisation. On pourrait dire que, tout comme au Venezuela, le royaume d'Ethereum est menacé de dollarisation en ce moment même. La question est de savoir si Ethereum dispose des outils nécessaires pour résister à ce phénomène ou, du moins, pour le démanteler.

En tant qu'autorité souveraine locale, Ethereum (le protocole) confère à l'ETH (l'unité monétaire) certains privilèges, de la même manière que le gouvernement américain accorde des privilèges au dollar. Examinons brièvement ce qui donne sa force au dollar. C'est une conjonction de privilèges explicites et de propriétés émergentes qui résultent de systèmes que les États-Unis garantissent et maintiennent.

Les privilèges explicites du dollar comprennent :

  • Le fait que ce soit la seule monnaie que le Trésor accepte pour le paiement des impôts

  • Les lois sur le cours légal qui définissent les billets de la Réserve fédérale comme un moyen valable et légal (en anglais) de régler les dettes et de payer les biens et services

  • La création par le gouvernement américain d'obligations fiscales, obligeant les entreprises et les particuliers à acquérir ou à conserver des dollars pour payer des impôts (s'ils réalisent un profit / génèrent un revenu suffisant)

  • L'exonération de l'impôt sur les plus-values du fait de l'appréciation du dollar, contrairement aux devises étrangères

Il existe aussi quelques caractéristiques émergentes qui soutiennent la valeur du dollar :

  • Le gouvernement américain accepte seulement le dollar en échange de bons du Trésor, largement considérés comme la forme la plus sûre de dette publique

  • L'achat de titres domiciliés aux États-Unis, comme les actions ou les obligations, nécessite des dollars

  • Plus généralement, les États-Unis sont le garant du système monétaire du commerce international de l'après-guerre, ce qui fait du dollar un moyen d’échange, tant au niveau des États-Unis qu'au niveau international

  • Les États-Unis maintiennent des accords de longue date avec des pays comme l'Arabie Saoudite, dans lesquels ils acceptent de libeller la vente de pétrole en dollars et, en échange, de recevoir une protection et une assistance militaire de la part des États-Unis

  • Le dollar a tendance à être plus fiable et plus stable que les autres devises, il est donc considéré comme un moyen de préserver le pouvoir d'achat, même en dehors des États-Unis

Contrairement à la croyance populaire, rien n'empêche réellement les Américains d'utiliser une autre monnaie comme moyen d’échange, si ce n'est le fait qu'elle serait vraiment inefficace, qu'elle entraînerait l'exposition à des frictions comme l'imposition des plus-values, et que les négociants devraient de toute façon acquérir des dollars à des fins fiscales. Il est quelque peu réducteur de considérer la fiscalité comme le seul moteur de la valeur du dollar (comme le font de nombreux individus lorsqu'on leur pose la question). Si les États-Unis confèrent au dollar certaines qualités explicites, on pourrait dire qu'ils cultivent en réalité un environnement où il est généralement bon de détenir des dollars. Ces facteurs se combinent pour créer une très forte demande de dollar, tant aux États-Unis qu'à l'étranger.

Il convient également de mentionner que certains pays imposent des contrôles de capitaux pour empêcher que leur monnaie ne surnage sur le marché libre. Au lieu de cela, ils règlent le côté demande de l'équation en interdisant tout bonnement à leurs citoyens de se séparer de la monnaie du pays pour celle d’un autre. Il va sans dire que les crypto, en l'absence d'un gouvernement ou d'une armée, n'ont pas les moyens d'imposer quoi que ce soit qui ressemble à des contrôles de capitaux. Au contraire, elles sont mondialisées, ne présentent aucune friction et sont très facilement transférables.

Comment Ethereum se situe-t-il ? Ce n'est pas un État-nation et il n'a pas la capacité d'intervenir directement dans l'économie comme le ferait un gouvernement. De plus, il est inextricablement lié aux marchés des crypto et ne peut empêcher la libre circulation des capitaux. L'essor de la crypto-fiat ne peut pas vraiment être entravé par des contrôles de capitaux. Néanmoins, Ethereum peut conférer à l'ETH certains privilèges. En empruntant ces arguments courants (anglais) pour expliquer pourquoi l'ETH aura de la valeur, commençons par les privilèges explicites de l'ETH :

  • L'ETH est l'unité par défaut pour le paiement des frais, et le paiement des frais est obligatoire pour envoyer une transaction

  • Les frais de transaction qui concernent l'ETH sont "réduits" par rapport aux tokens : l'envoi d'ETH nécessite 21 000 unités de gaz alors que les tokens nécessitent plus de 40 000 unités de gaz

  • Une partie des frais payés en ETH sera probablement brûlée (si l'EIP-1559 est acceptée, voir ce hors série)

Les caractéristiques émergentes de l’ETH sont les suivantes :

  • L'ETH est utilisé comme garantie dans les smarts contracts sur Ethereum et est un moyen de paiement pour les applications intra-protocole (comme Maker)

  • Une fraction importante de l'ETH peut être bloquée lorsque la preuve d’enjeu sera effective

  • L'ETH est la monnaie de réserve pour l'émission de tokens sur la plate-forme (comme les ICOs) et, plus généralement, comme monnaie de base (aux côtés de BTC) pour le marché crypto au sens large

  • L'ETH fait l’objet de spéculation ; certaines personnes prennent position sans raison particulière

Pour aborder brièvement les arguments les moins convaincants : les ICOs semblent faire partie du passé et ne reviendront pas de sitôt. Alors que de nombreux altcoins s'échangent contre l’ETH, leurs paires dominantes sont BTC et de plus en plus USDT. La spéculation seule n'est pas une source suffisante de demande pour amener le marché à l'équilibre, et la présence de cette spéculation ne permet aucune analyse utile. Le verrouillage d’ETH par le biais de la PoS (proof of stake / preuve d’enjeu) ne garantit pas son appréciation - il est toujours possible d'avoir une part des ETH verrouillée, tout en ayant une faible vélocité, avec des négociants courts termistes utilisant l'ETH non verrouillé selon leurs besoins. Considérez aussi le fait que les crypto à masternode comme le Dash n'ont pas été épargnées par la dépréciation des prix, même si une part importante des Dash était bloquée dans les masternodes.

Les arguments les plus convaincants en faveur de l’appréciation de la valeur de l'ETH au long terme se résument, à mon avis, à l'usage de l'ETH en tant qu'actif nécessaire au paiement des frais, et à la capacité d'Ethereum à conserver la valeur de l'ETH, une capacité similaire à celle des États-Unis par rapport au dollar. La tâche consiste à cultiver un environnement dans lequel il est généralement bon de détenir et d'utiliser de l'ETH. Plus précisément, l’ETH doit éviter deux adversaires communs que sont l’abstraction des frais et l’abstraction du moyen de paiement.

L’abstraction des frais

En ce qui concerne les frais, la communauté Ethereum semble fermement unie contre l'idée de payer des frais avec autre chose que l'ETH. Il est à noter qu'il n'existe aucune règle qui stipule qu'un utilisateur doive payer un mineur en ETH pour que sa transaction soit incluse dans un bloc. Ils peuvent toujours effectuer un paiement par une voie alternative. Cela dit, le protocole d'Ethereum lui-même érige des barrières importantes au paiement de frais autres qu’en utilisant l'ETH. Non seulement les Ethereans sont très sensibles à la menace représentée par l’abstraction des frais, mais le contrat social plus malléable d'Ethereum permettrait probablement de modifier le protocole si l’abstraction des frais devait se développer. Il semble déjà que l'EIP-1559 sera adoptée, l’EIP qui apporte des modifications importantes à la logique des frais sur Ethereum.

Si vous faites un zoom arrière, insister pour que les frais soient payés en ETH (puis les brûler, récompensant ainsi efficacement les détenteurs d'ETH au détriment des revenus des validateurs) me semble être une forme simple de prélèvement de charges. Imaginez un scénario absurde dans lequel le protocole imposerait des frais colossaux de 0,5 ETH par transaction. Soit les utilisateurs mettraient au point une méthode hors bande pour payer les validateurs (ce qui, j'imagine, est possible avec un peu de créativité, même si le protocole lui-même l'interdit), soit ils migreraient vers une chaîne alternative sans cette taxe onéreuse.

Si les architectes du protocole Ethereum sont libres de le bricoler à leur guise, il y a toujours le risque qu'ils rendent la chaîne moins attrayante pour les utilisateurs. Tant la nature obligatoire du paiement des frais en ETH, que le fait de retirer cette redevance aux validateurs et de l'utiliser pour récompenser les détenteurs d’ETH à la place, pourraient décourager les présumés utilisateurs de se servir d’Ethereum. Une autre blockchain qui permettrait aux utilisateurs de payer les frais en dollars tokenizés plutôt que de forcer les utilisateurs à jongler avec plusieurs devises pourrait bien utiliser cette faiblesse pour s'emparer de parts de marché.

L’abstraction du moyen d’échange

Comme pour le dollar, rien n'oblige à utiliser l'ETH comme moyen d’échange sur le système Ethereum. Et c'est bien cette caractéristique du système qui est menacée. Il semble probable que les frais soient toujours libellés en ETH, mais les frais représentent une fraction relativement faible de la demande, s'élevant à seulement 800 ETH par jour aux taux actuels. Et l’ETH des frais peut être acheté à grande vélocité, juste à temps, ce qui minimise leur impact sur la demande. Il est bien plus important pour l’ETH de conserver son statut de principal moyen de transaction sur la blockchain.

Si la crypto-fiat s’établit fermement dans la blockchain et  qu’elle marginalise les unités natives, la valorisation de l'unité native en souffrira. Les burns et le staking affectent le côté de l'offre de l'équation - ce qui importe, c'est la demande. Cependant, les Ethereans ne doivent pas désespérer. Bien que les stablecoins aient leur moment de gloire et éclipsent le volume des transactions d'ETH pour l'instant, elles ne sont pas de parfaites marchandises de substitution. Les stablecoins soutenus par Fiat portent un bagage juridique et réglementaire qui pourrait éloigner les utilisateurs à tout moment. Elles ne sont pas exemptes de problèmes : elles dépendent d'un ensemble de banques consentantes et d'un émetteur “bienveillant”. Le risque de contrepartie est toujours présent. Certains cas d'utilisation on-chain nécessiteront toujours des garanties véritablement natives et trust-less.

Un calice empoisonné ?

La bonne nouvelle, c'est que les stablecoins semblent impliquer une pression sur les frais d’Ethereum. Bien que les opinions varient, je suis généralement d'avis que pour être viable à long terme, la plus grande partie possible de la rémunération des validateurs devrait se faire sous forme de frais (plutôt que d'émission), et qu'un marché des blocs robuste est hautement souhaitable. Les frais sont une forme de revenu pour la blockchain, et le fait d'avoir des flux réguliers vous donne beaucoup d’options. Si vous ne regardez que les transactions en USDT sur Ethereum, vous pouvez constater que les périodes de forte charge coïncident avec les pics de frais.

Source : Coin Metrics - Nombre de transactions en USDT sur Ethereum contre le cumul journalier de frais en ETH

Notez la forte hausse de septembre 2019 qui s'est traduite par une pression sur les frais avec un certain retard, le creux en janvier avec la chute des transactions d’USDT et les frais qui ont augmenté en avril avec la reprise de l'USDT. Bien sûr, il y a d'autres variables qui s’ajoutent, une analyse plus complète serait donc la bienvenue, mais une demande abondante de transactions de grande valeur signifie toujours plus de personnes prêtes à payer des frais, ce qui n'est pas une mauvaise chose.

Un inconvénient des actifs non natifs couramment cité est leur potentiel à introduire une valeur extractible par les mineurs (MEV). Et si les possibilités de MEV provenant de tokens non natifs deviennent très importantes par rapport à la valeur de la garantie sous-jacente qui sécurise le réseau, alors peut-être qu'un déséquilibre pourrait se développer et pourrait être exploité. La réponse commune est que les tokens non natifs ne sont pas protégés uniquement par des mesures crypto-économiques, mais par des contraintes juridiques et institutionnelles en dehors du protocole. Par exemple, comme les stablecoins peuvent en règle générale être gelés par leurs émetteurs, le vol de l'USDT ou de l'USDC pourrait ne pas en valoir la peine. Mais la question est alors de savoir pourquoi s'embêter à utiliser ces reconnaissances de dette on-chain, si la sûreté des paiements est en fait fonction de la bienveillance de l'émetteur. S'il ne s'agit que de créances notées dans une base de données tenue en dernier ressort par une personne morale, pourquoi s'embêter à mettre en place une blockchain publique contraignante, et non une sidechain plus centralisée ?

En fin de compte, il semble qu'un certain degré d'abstraction des moyens de paiement se produise actuellement, pour une simple raison économique - exprimer des contrats à moyen et long terme en garanties volatiles est simplement une expérience sous-optimale. Les Ethereans doivent espérer que les stablecoins garantis par l'ETH deviennent plus importants, ou que les stablecoins sous la gestion d’un tiers subissent une série de pertes de confiance, rappelant aux utilisateurs pourquoi les crypto-natives trust-less sont si puissantes. Le risque d'abstraction des frais semble atténué pour l'instant, mais les magiciens d’Ethereum devraient se méfier des alternatives. La recherche excessive de rendement et l'intermédiation peuvent pousser les utilisateurs vers des concurrents qui accueilleraient favorablement les stablecoins et qui maintiendraient une attitude plus souple vis à vis des frais.


❓ Question abordée

  • Selon vous, l'arrivée des stablecoins sur Ethereum sera-t-elle compétitive ou mutualiste pour l'ETH ?

  • Lire les articles suivants :

    • L'EIP 1559, l’ultime pièce du puzzle de la politique monétaire de l'ETH

    • Une taxonomie pour la bande passante économique


🔎 Zoom sur l'auteur

Nic Carter est le cofondateur de Coinmetrics, une banque de données on-chain que nous utilisons régulièrement dans Bankless. Il a également été le premier crypto-analyste de Fidelity et est maintenant associé chez la société de capital-risqueCastle Island Ventures.


✔️ Compléter le Skill Cube

Dans cet article nous avons abordé comment deux types de monnaies peuvent interagir et entrer (ou non) en compétition sur la même blockchain. Nous avons aussi évoqué très rapidement l’aspect protocolaire du DAI et de l’ETH, ainsi que la face bancaire de l’USDC ou de l’USDT. 


🇬🇧 💬 🇫🇷 Cet article est une traduction d'un contenu original publié sur Bankless le 7 mai 2020. Elle a vu le jour grâce aux différentes contributions de Jon, de Sid, de Vin et de Yoann.


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